
Chicago, juin 1918
La fièvre continuait à monter, inlassablement. La veille, elle ne m'avait pas autant affecté, mais désormais, elle grimpait sournoisement en moi, me procurant des sueurs froides. C'était à la limite de ce que je pouvais supporter.
Je venais de fêter mes dix-sept ans d'existence et j'allais déjà mourir. Dehors, la guerre faisait rage et j'étais censé combattre au front. Mon apparence me vieillissait de deux ans environ et les soldats n'étaient pas en grand nombre, donc je m'étais porté volontaire pour combattre à leur côté et sauver notre pays.
Mais au lieu de cela, j'étais cloué dans un lit d'un des hôpitaux de Chicago encore debout, en train de souffrir de la grippe espagnole. Celle-ci m'avait contaminé une semaine plus tôt, le jour de mon anniversaire. Le plus horrible de mes anniversaire, d'ailleurs.
Mon père, Edward Senior avait déjà succombé à la maladie. Il était parti avec les premiers mourants. Quant à ma mère, Elizabeth, je ne savais pas où en était son taux de chance de survie. Je me demandais même si elle était encore vivante.
Soudain, je le vis. Un homme d'une trentaine d'années à peine, à la chevelure blond platine plaquée en arrière et à la beauté étrangement divine entra dans la salle où tous les malades étaient installés, déambulant entre les lits. Sans nul doute, il vérifiait le quota de survivants. Lorsqu'il arriva vers ma rangée, il s'aperçut que je clignai encore des paupières et m'adressa un sourire encourageant. A ce moment-là, je ne sus pas si c'était ma vue qui se brouillait à cause de la maladie qui me rongeait mais j'eus l'impression que sa peau était incroyablement blanche et translucide et ses prunelles d'un or liquide me décontenança.
Son sourire s'effaça quand il se tourna vers le brancard d'un soldat à peine plus vieux que moi et avec lequel j'avais sympathisé à l'époque où la maladie était encore invisible sur nos visages. Le médecin- car c'est ce qu'il était à en juger par sa blouse blanche et le stéthoscope qui lui entourait le cou- ferma les paupières du jeune homme dont j'avais oublié le nom avant d'appeler une infirmière. Je compris alors que, lui aussi, venait d'être emporté et l'infirmière, accompagnée d'une collègue, recouvra le défunt avec son drap avant de le transporter à la morgue. Le médecin quitta ma rangée d'une démarche si élégante que j'en aurais été jaloux si j'avais encore pu me lever et marcher.
Tout à coup, je me mis à tousser, provoquant une douleur terrible dans mes poumons. Je compris alors ce que cela signifiait: j'étais le prochain. Dans quelques heures, j'allais mourir. Je le savais, je le sentais. C'était tellement évident que je n'eus même pas la force de verser une larme.
J'entendis des murmures, près de mon lit. Avec le peu de force qu'il me restait, je parvins toutefois à relever un peu la tête pour voir le médecin penché sur le lit de ma mère. Un sentiment de soulagement m'envahit alors. Elle était encore en vie. Elle avait été admise à l'hôpital peu de temps après moi, mais elle semblait souffrir encore plus que moi. Plus les jours passaient, plus son état empirait. Elle agrippa le bras du médecin d'une pression tellement forte que j'en eus mal pour lui. Mais il ne sembla pas éprouver la moindre douleur. Ce médecin était vraiment étrange. D'abord sa beauté divine, ensuite sa peau d'une blancheur extraordinaire, puis ses yeux ocres, une couleur qui n'était pas censée exister et enfin, sa capacité à arborer une attitude sereine alors que ma mère lui broyait le bras à en juger par ses jointures saillantes.
Je ne compris aucun mot de ce qu'ils se disaient mais je pus remarquer le supplice dans la voix chevrotante de ma mère. Elle avait l'air meurtri et désespéré. Le médecin fit mine de réfléchir avant de faire un signe de tête positif. Semblant soulagée, elle sourit au médecin puis sombra dans le sommeil. Du moins, je croyais qu'elle s'était simplement endormie jusqu'à ce que l'homme fit signe à une infirmière qui venait d'entrer et que celle-ci recouvrit le corps inerte de ma mère avec son drap, à l'instar du soldat un peu plus tôt. Mon c½ur se brisa. Non, pas elle. Je voulus crier mais, une fois n'est pas coutume, une nouvelle quinte de toux fit exploser mes poumons et du sang jaillit de ma bouche. Aussitôt, le médecin se précipita vers moi. Il posa sa main tiède sur mon front avant d'essuyer ma bouche dégoulinante de sang. Il paraissait serein mais je pus voir ses mâchoires serrées lorsqu'il vit le liquide rouge, sans que je comprenne pourquoi. Puis il s'approcha de mon oreille et me chuchota.
- Ferme les yeux.
Je plongeai mes iris vertes dans les siennes et je fus soudain pris d'un élan de sérénité, comme si j'étais hypnotisé. Je fermai donc les paupières et l'homme me sortit de la salle de soins avec l'aide d'une infirmière. Je n'osais pas ouvrir les yeux, espérant que la mort m'emporterait ainsi avec elle. J'étais prêt à mourir. Plus rien, plus personne ne me retenait dans ce monde. Mes parents, mes amis, tous étaient déjà partis.
- Merci mademoiselle, je vais m'occuper de lui, à présent, entendis-je le médecin dire à l'infirmière.
Celui-ci attendit qu'elle fût partie pour s'adresser à moi.
- Tu peux les ouvrir.
J'obtempérai et la tête me tourna. J'étais toujours vivant. Le médecin était penché sur moi, examinant ma température- élevée à en juger par sa grimace.
- Qui êtes-vous? m'enquis-je d'une voix rauque avant d'être étouffé une énième fois par une quinte de toux.
- Je m'appelle Carlisle Cullen .
Je continuai de le scruter, dubitatif. Je ne connaissais aucun Carlisle Cullen à Chicago. Je regardai tant bien que mal autour de moi avant de me retourner vers le médecin.
- Pourquoi suis-je à la morgue?
Il me fixa profondément, l'air on ne peut plus sincère.
- C'est ta mère qui m'envoie. Elle m'a demandé- ordonné, plutôt- de te sauver de la maladie, expliqua-t-il de sa voix harmonieuse.
Ma mère ne voulait pas que je meure, naturellement. Mais personne ne survivait à la grippe espagnole, à cette époque. J'étais condamné. Je n'avais aucune idée de la façon dont Carlisle pouvait me sortir de cet Enfer.
- Il n'y a aucun remède, objectai-je avant de tousser derechef.
- J'en ai un, assura-t-il. Mais pour cela il faut que tu me fasse confiance. Elizabeth m'a fait promettre de t'épargner de l'épidémie.
- Mais...
- Veux-tu guérir de la grippe espagnole ou mourir toi aussi?
La réponse fusa dans ma tête. Oui. Oui, je voulais continuer à vivre comme un adolescent de dix-sept ans normal. Je n'étais pas prêt à mourir. Pas encore. Alors je hochai la tête et, s'approchant derechef de mon oreille, il me murmura doucement.
- Ferme les yeux et ne pense à rien. Ça va faire un peu mal.
Sur ce, Carlisle dévoila mon cou et y planta ses deux canines acérées, provoquant en moi l'incendie le plus ravageur que je n'avais encore jamais ressenti. Carlisle me lâcha mais le feu continuait à m'engloutir. Ma tête était sur le point d'exploser. Mon corps était totalement paralysé et je criai à plein poumons sans que personne ne pût m'entendre. Je n'avais qu'une seule envie: mourir.
Mon voeu s'exauça quand l'incendie s'atténua pour me laisser sombrer dans les Ténèbres.
trouvez mon premier chapitre? Bien? Bof? Nul?
Je sais il est long mais bon,
il fallait un max de détails lol
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Bisoux bisoux ♥
Alice
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